Ce carnet m’accompagnait pendant l’errance le long de la Dordogne Corrézienne. Ils formaient des respirations ou des recherches qui accompagnent la série de grand format que j’étais venu y réaliser : Des Rives.

« Ce n’est qu’à l’approche de la nuit que le vacarme sourd de la Dordogne écumante faiblit graduellement. On sort de notre léthargie pour suspendre nos hamacs aux arbres séculaires. Allongé, le visage tourné vers le firmament qui transparaît au travers de la canopée, l’obscurité nous absorbe sans heurter aucune frontière. Aujourd’hui, dans cette lutte avec le paysage, on a éprouvé la dureté de ses muscles et été imprégné de son énergie dévastatrice. On le connaît un peu mieux à présent. C’est la même fraternité sauvage que celle qui unit les boxers après un combat, cette impression d’être intimement lié avec cet adversaire qui nous était quelques instants auparavant inconnu. Maintenant qu’on en connaît la force, un respect animal nous lie à ce monde. On se sent plus légitime d’y demeurer, comme intégré dans les pans de son mystère. Blotti dans mon hamac, je disparais, infime dans l’immensité de l’espace, bercé par le silence de cette nature qui, doucement, reprend vie.


(…)Quand on embarque à nouveau, nous apparaît toute la légèreté de notre mode de transport. On a moins l’impression de descendre une rivière que de louvoyer au travers d’un archipel. De naviguer d’île en île, au rythme des marées. À chaque fois que nous accostons sur un rivage, nous découvrons un lieu isolé, autonome. Nous arrivons là où, d’aucune autre façon, nous n’aurions pu accéder. « 

Extrait de Traces d’ombres, à paraitre chez Elytis sept 2026

Carnet 8